Hiver 1870 : les Prussiens à La Ferté-Imbault

L’année dernière marquait le 150ème anniversaire de la guerre franco-allemande de 1870.

Le 18 juillet 1870, l’empire de Napoléon III déclare la guerre à la Prusse, qui s’allie aux autres États allemands. La défaite des Français sur le front de l’Est, puis la reddition de Napoléon à Sedan le 2 septembre 1870 précipite l’instauration de la IIIème République. Paris  assiégé, le gouvernement de défense nationale de Gambetta, délocalisé à Tours, poursuit la guerre.

Mais revenons sur ces événements, tels qu’ils ont été vécus à La Ferté Imbault…

Les événements par Jean-Léon Bommer

L’abbé Bommer comme nombre de ses contemporains, se retrouve propulsé dans un cruel conflit qui aura des répercussions sur notre village, puisque :

A partir des premiers jours d’août : les jours de deuil commencent pour la France en guerre avec l’Allemagne : nos troupes sont culbutées et refoulées sur les frontières : l’ennemi s’avance, et après la prise de Sedan, vient former le siège de Paris : la république est proclamée : l’armée de la Loire se forme pour la résistance et se concentre sur les champs de Salbris, du 15 septembre aux premiers jours de novembre, sous le commandement en chef du général d’Aurelles de Paladine…

L’armée de la Loire est réorganisée dès le 5 décembre, sous le commandement cette fois du général Bourbaki.

Le 7 décembre au soir, escarmouche entre l’arrière garde française et l’armée ennemie aux approches de Salbris. Le 8, les Allemands poursuivant les fugitifs se dirigent sur Vierzon, Nançay, La chapelle d’Angillon, La Ferté Imbault où ils arrivent, à 2 heures du soir, vont jusque sur les bords du Cher pour revenir dans la nuit, à 11 heures, au nombre de 8 à 900. Ils repartent le lendemain, à midi, pour rejoindre leur quartier général, à Orléans, emmènent avec eux des prisonniers. Leurs avant gardes revinrent plusieurs jours de suite réquisitionner.

Du 20 au 28 une avant garde, 16 dragons, est établie, à La Ferté-Imbault pendant la formation, près Vierzon, du corps de Bourbaki, armée de l’est.

Le 24, 60 francs tireurs niçois, nous arrivent et font séjour. Le 26, une compagnie de volontaires de la Dordogne, capitaine Clergean, nous arrive et séjourne jusqu’au 15 février 1871. Alors une partie suit l’armée de Bourbaki et l’autre partie s’en retourne dans ses foyers. Pendant leur séjour on établit dans la salle du presbytère une ambulance pour les malades on y plaça 7 lits : tout se passa avec beaucoup d’ordre, et, malgré toutes les misères du temps, nous n’eûmes pas trop à souffrir.

1870, année terrible pour la France : invasion : sécheresse extraordinaire, hiver long, dur et rigoureux : maladies graves : grande mortalité : tout pour faire réfléchir des hommes sérieux.

Carte du théâtre de la guerre de 1870

Les événements par Jean Schaeffer

Jean Schaeffer, conseiller municipal dans les années 1980-1990, * transcrit ici une anecdote familiale :

Récemment, de rares civils fugitifs de la région d’Orléans avaient évoqué des combats, ainsi que des répressions féroces de la part de l’ennemi quand il rencontrait une résistance opiniâtre dans certains villages, ou quand ses patrouilles de reconnaissance ou des éléments d’avant-garde étaient tombés dans une embuscade. Maisons et fermes brûlées et leurs habitants abattus sans pitié.

On savait vaguement que l’armée de la Loire , commandée par le général d’Aurelle de Paladines, se repliait en combattant, soutenue parfois par des  » moblots  » (gardes mobiles levés sur le plan local) mal armés, mal encadrés, et peu formés pour une telle guerre, dans le froid et le dénuement matériel.

Depuis deux jours on entendait les canons tonner dans le lointain, au nord-est, vers Lamotte – Beuvron et Nouan le Fuzelier, signe que des combats s’y déroulaient, et qu’ils allaient atteindre Salbris. Ce jour-même il y avait eu quelques échos de ce côté, mais aucune nouvelle précise n’était parvenue à La Ferté-Imbault, qui s’était repliée dans l’attente et dans l’angoisse…

……. le lendemain, les deux représentants de la commune, Louis Deschamps, en sa qualité de maire, et l’abbé Bommer, en sa qualité de curé de la paroisse, se rendraient ensemble, à pied, au-devant des Prussiens.

…L’officier qui commandait la troupe parlait un français qui, pour n’être pas impeccable, n’en facilitait pas moins les premiers échanges.

Comme ils en avaient convenu, l’abbé Bommer parla le premier, décrivant en quelques phrases le village et ses habitants, gens paisibles et plutôt pauvres, et exprima en des termes prudents le souhait qu’il ne fût commis ni violences ni exactions de la part des soldats.

Puis Louis Deschamps se présenta en sa qualité de maire de la commune, et compléta le plaidoyer du curé en assurant à l’officier qu’il n’y avait là nulle force armée régulière. Que ses hommes ne courraient aucun danger, et qu’en conséquence d’user de contraintes à l’égard de la population.

L’officier écourta froidement les deux exposés, puis fit mettre les deux parlementaires en tête du peloton, quelques cavaliers abaissèrent leur lance à frôler leurs épaules, et toute la troupe se remit en marche vers le village.

Et c’est ainsi que les habitants, ahuris et craintifs, virent leur maire et leur curé traverser la place du village sous la menace des lances pointées dans le dos et se rendre au domicile de Louis Deschamps, aux environs duquel le détachement mit pied à terre…

La fin du conflit

Des réquisitions eurent lieu ultérieurement :

Ordre de réquisition de 1870 par M. Deschamps, maire de La Ferté-Imbault (Archives municipales)

La fin de la guerre ne sera pas la fin des jours malheureux pour la France : la victoire des États allemands devenus Empire, la perte de l’Alsace et de la Lorraine, la « Commune » de Paris, etc, inscriront durablement un profond sentiment d’injustice, qui ne demandera qu’à s’épanouir dans d’autres conflits …


Sources :

  • Jean Schaeffer : « Les Prussiens à La Ferté-Imbault », récit d’après les souvenirs de sa grand-mère Jeanne Deschamps, concernant son arrière grand-père Louis Deschamps, notaire puis maire de La Ferté-Imbault de 1870 à 1874.
  • GRAHS
  • Journal de l’Abbé Bommer
  • La guerre franco-allemande dans le Blaisois et la Sologne, E.Lasnier

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