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Le recensement, une vieille histoire

Saviez-vous que le recensement ou plutôt des essais de dénombrement de population existent depuis l’antiquité ?

Ce recensement a pris plusieurs formes au cours des siècles et comme maintenant, son but n’a pas seulement été de compter le nombre d’habitants : il a fait en outre office de statistiques pour lever des impôts, pour optimiser la conscription militaire, etc … et avec la tenue obligatoire des registres paroissiaux en 1539 l’état de la catholicité en France.

Avant la Révolution le recensement se fait par « feux », on ne dénombre ainsi que les foyers (maisons) et on fait un calcul somme toute assez approximatif des habitants qui les composent. En excluant certaines catégories sociales telles que la noblesse ou l’état religieux qui ne sont pas soumis à l’impôt. Pas très précis comme résultat …

Il faudra attendre 1666 pour l’organisation d’un premier recensement nominatif, dans une province bien éloignée de la France métropolitaine : La Nouvelle France (Canada, Acadie et Louisiane).

Les recensements restent souvent locaux, aléatoires et irréguliers dans le temps. Le décret de 1790 organise pour la première fois le dénombrement de la population entière.

Recensement du 12 mars 1798 (La Ferté Imbault étant alors section de la commune de Selles St Denis. On y dénombre bien plus d’animaux que d’êtres humains !

Le dénombrement tous les 5 ans est mis en place en 1801, la population recensée à jour fixe en 1846. A partir de 1851 la notion de nationalité et diverses questions concernant l’âge, l’emploi, la situation personnelle et l’adresse font suite.

1861 : 1er recensement pour la commune de La Ferté Imbault, qui vient d’acquérir son indépendance d’avec Selles St Denis un an plus tôt. On commence par le centre bourg puis les autres rues du villages et enfin les écarts. On peut noter qu’ici sont indiquées la nationalité et la religion des recensés du château : anglais, suisse, protestant…

 

Résultats du recensement de 1861 : 877 habitants, dont 436 dans le bourg et 441 dans les hameaux et écarts.

Depuis 2004, l’organisation au niveau national diffère selon l’importance des communes, de plus ou moins 10 000 habitants.

De nombreuses catégories sont désormais scrutées par les statistiques et donne des informations précises sur les caractéristiques de la population. Il permet à l’État de déterminer les besoins en équipements publics (dossier complet de La Ferté Imbault 2020 *) selon la démographie.

Évolution de la population de 1861 à 2021

Outre toutes ces informations, il est également précieux pour le généalogiste. Qui complète ainsi ses recherches familiales, historiques, toponymiques du village de ses ancêtres …

Enfin, sachez que le recensement est obligatoire, vous ne pouvez donc vous y soustraire, le refus d’y participer et l’inexactitude des réponses sont passibles d’amende ! **

 


Recensement, histoire générale : https://fr.wikipedia.org/wiki/Histoire_du_recensement_de_la_population_en_France

Recensement Selles Saint Denis 1798 :

Recensement La Ferté Imbault 1861 : 2MILN R97 Archives départementales du Loir-et-Cher

Évolution de la population : Wikipédia https://fr.wikipedia.org/wiki/La_Fert%C3%A9-Imbault 

*Insee dossier complet La Ferté Imbault : https://www.insee.fr/fr/statistiques/2011101?geo=COM-41084

** https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000000888573

Que d’eau, que d’eau !

Tout un chacun peut le vérifier, après un été particulièrement marqué par une forte et longue sécheresse, ce début d’automne est caractérisé par des grosses pluies et des avis de tempêtes… La question de l’eau a toujours été prégnante dans nos campagnes et c’est notamment pourquoi des fontaines étaient installées pour subvenir en toutes saisons aux besoins des habitants.

La fontaine Bazin

À La Ferté-Imbault, on en compte au moins une : la fontaine Bazin.

Si l’origine de son nom ne nous est pas connue (même si on peut recenser le patronyme Bazin au village), et que les cartes anciennes telles que Cassini, cadastrales ou autres* n’en mentionnent pas l’existence, elle n’en est pas moins familière à certains Fertois – depuis longtemps.

Située sur une minuscule parcelle de terrain communal*, elle se fait très discrète. Seule la construction qui la surmonte peut la faire repérer.

S’il y a donc peu d’informations à ce sujet, sa présence et la composition de son eau n’en sont pas moins attestées par les résultats de son analyse chimique, parus en 1862 dans un mémoire de la Société d’agriculture, d’économie rurale et domestique :

Société d’agriculture de Paris. Mémoires d’agriculture, d’économie rurale et domestique. 1862.

L’auteur de la notice ajoute même que « cette eau est d’excellente qualité. Ne contenant aucun sulfate et beaucoup d’acide carbonique, elle est éminemment propre à la boisson ». Il finit par dire que la qualité de cette eau se rapproche extrêmement de celle de « la Fontaine de la Pelotte » à Selles-Saint-Denis et dont il dit « n’avoir trouvé dans ses recherches une eau aussi parfaite ».

Une richesse à préserver

L’eau est devenue une richesse qu’il nous faut préserver, un véritable enjeu environnemental et politique… La guerre de l’eau est déjà commencée, celle des anciennes sources et de la fontaine Bazin sera-t-elle ?


* À noter, lors de la rédaction de cet article, Les Lanturelus se sont aperçus d’une erreur sur le cadastre : la fontaine Bazin est bien mentionnée mais pas au bon endroit. À son emplacement figure un calvaire qui n’existe pas dans la réalité…

La renoncule de l’Abbé Segret

Si notre village peut s’enorgueillir de noms célèbres, tels ceux du maréchal d’Estampes et de la marquise de la Ferté-Imbault, il n’a pas à rougir de certains de ceux de ses concitoyens, qui ont œuvré longtemps au village et dont la postérité n’a pas toujours gardé le nom !

Il en va ainsi de l’abbé Augustin Louis Segret, chanoine honoraire de Blois, et curé de la Ferté-Imbault, découvreur d’une renoncule qui porte son nom : Ranunculus felixii, Segret 1936

Petite contexte botanique

On ne peut retracer l’itinéraire « botanique » de l’abbé sans évoquer la place qu’a cette science depuis si longtemps. Depuis le moyen-âge, on cultive et on répertorie les plantes destinées à l’alimentation et à la médecine.

Triticum vulgare « Blé bleu », récolté par l’Abbé Segret à Saint-Loup-sur-Cher (Loir-et-Cher), Muséum national d’histoire naturelle de Paris

Lui-même inspiré du jardin médiéval, le jardin de curé dont on redécouvre aujourd’hui le charme et la simplicité, est un concentré de connaissances botaniques et de techniques de culture. On sort parfois de son presbytère et de son enclos et on se promène en campagne :

« Au XIXe siècle, les sciences naturelles connaissent un âge d’or et la botanique bénéficie alors d’un véritable engouement auprès des médecins, pharmaciens, instituteurs et curés de campagne, qui herborisent à proximité de chez eux. C’est aussi l’époque des voyages naturalistes. Les botanistes échangent entre eux échantillons et observations »1

L’abbé Segret, botaniste émérite

Photo de l'abbé Segret
Portrait de l’Abbé Segret, Archives diocésaines de Blois

Augustin, né à Vernou-en-Sologne le 27 août 1867, est ordonné prêtre le 23 mai 1891. Il est d’abord vicaire de Cour-Cheverny. Il est desservant à St Loup en 1893. En 1894 il est le curé de Maray puis devient celui de La Ferté en 1923 et ce jusqu’à son décès en 1949.

C’est durant sa première cure à Cour-Cheverny, qu’il se familiarise avec le monde de la botanique.2

En compagnie de personnes aguerries dans cette discipline, il commence à herboriser et cataloguer les plantes de Sologne puis, dès 1903, il est nommé membre de la Société Botanique de France.

Pendant de nombreuses années il parcourt la Sologne et ses talents de botaniste se confirment quand :

« Permettez-moi d’attirer votre attention sur un Ranunculus, sect, Batrachium que j’ai trouvé en 1924 en compagnie de M.A. Félix3 et dont l’hybridité est incontestable. Il est du croisement de hololeucos et du tripartitus. Dans la petite marre ou nous l’avons récolté, on ne rencontre que ces deux dernières espèces, à l’exclusion absolue de tout autre batrachium. »3

Quelle consécration pour un modeste curé de campagne !

Ranunculus felixii, Segret 1936, Royal Botanic Gardens of Kew, Londres

En 1928, l’abbé déplore toutefois que la Sologne d’alors :

« ne ressemble plus à celle d’autrefois … Je l’ai montré lors de la session extraordinaire de la société Botanique de France à Romorantin et les environs : cette ville ne doit plus être sa « capitale » comme on disait jadis. Le centre de la Sologne doit être reporté vers Loreux, Millançay, Marcilly-en-Gault et la Ferté Imbault… »5

Parti pris d’un homme de science qui ne conçoit la capitale que sous l’œil averti du botaniste !

La Ferté-Imbault n’est toujours pas capitale …

Membre de la Société Botanique de France, il est nommé Officier d’Académie en janvier 1935 « pour services rendus aux sciences ».

Après une vie bien remplie, au service des hommes et des plantes, l’abbé meurt le 6 décembre 1949 à La Ferté Imbault où il est inhumé.


Sources et notes

1 – Conservatoire botanique national du Bassin parisien, lu sur  https://lagrenouillememoire.blogspot.com/2020/01/abbe-lefrou-cure-de-cour-cheverny-et.html

2 – Notamment en s’inspirant de l’abbé Lefrou, éminent botaniste, curé de Cour-Cheverny, voir lien de la note précédente

3 – Instituteur à Vierzon (mais aussi en Tunisie en 1895) puis Surveillant général à l’École Nationale Professionnelle de Vierzon, sous-directeur de l’École nationale professionnelle Vierzon, botaniste : https://www.tela-botanica.org/projets/recensement-des-herbiers-de-france/forum/view-thread/njfnijpkichdcdeikogf/

4 – Bulletin de la Société Botanique de France, LXXII p 782  séance du 25 juillet 1925.

5 – L’abbé L. Segret (1925) Catalogue raisonné des plantes vasculaires
de la Sologne, Bulletin de la Société Botanique de France

Gardes champêtres, messiers et sergents de verdure

Le garde champêtre est un fonctionnaire territorial communal dont la mission est la protection du domaine rural.

Il est nommé par le maire, est assermenté et agréé par le procureur de la république.

L’histoire des Gardes champêtres

Dès le Moyen-âge il existe une police rurale dont le rôle est la surveillance des moissons1 sur des juridictions alors seigneuriales. Au 17ème siècle il est également affecté au contrôle de la chasse, en luttant contre les braconniers et les glaneurs.

La Révolution abolissant la justice seigneuriale, les gardes sont engagés dès 1791 par les communes nouvellement créées. Avec la loi du 8 juillet 1795 obligation est faite aux municipalités de se doter d’un garde champêtre, celui-ci doit savoir lire et écrire et être âgé d’au moins 25 ans (majorité d’alors).

L’arrêté de 1800 les recrute de préférence parmi les anciens militaires et vétérans.

Soumis à l’autorité du maire et parfois à sa solde, ils sont employés à diverses tâches en dehors de leurs charges ordinaires : crieur pour porter les nouvelles, secrétaire de mairie parfois ou encore cantonnier.

Rouage indispensable de l’organisation municipale, il écope parfois d’une image guère flatteuse dont l’affublent des concitoyens réfractaires et peu amènes…

Au début du 19ème siècle on le dote d’armes et son costume évolue (bicorne ou képi) ; son domaine de compétences s’élargit de plus en plus : pêche, douanes, ordre public (dresse des procès-verbaux).

« La Loi, Garde Champêtre, commune de la Ferté-Imbault », remerciements Nadine Gagnebien

À l’instar du maire et de l’instituteur, le garde champêtre est indissociable de la vie rurale2 ; son autorité est reconnue et souvent redoutée.

Le 20ème siècle marque un tournant décisif : si d’autres et importantes fonctions lui sont dévolues, leur nombre chute vertigineusement : de 34431 en 1845 à 679 en septembre 20223

mais …

«  L’urbanisation des communes rurales voit l’augmentation des effectifs de police municipale au détriment des gardes champêtres. Parallèlement, la mission de ces derniers s’orientent de plus en plus vers la protection de l’environnement et des espaces naturels sensibles, plus écologiques que sécuritaires » …

À La Ferté-Imbault

Voici la liste des gardes champêtres du village.

1858 : Henri Debresmes, de Selles St Denis, est garde champêtre (La Ferté Imbault n’ayant pas encore acquis son indépendance communale).

1862 : Louis Henri Desroches, toujours de Selles St Denis.

Enfin, en 1866, c’est Denis Courcelles, fertois et ancien maçon de 45 ans, qui officie.

En 1872, c’est Jacques Jacq qui est garde ; il l’est toujours en 1901, alors âgé de 78 ans !

1901 : Jules Fabalet

1902 : Sulpice Turpin

1917 : Jules Louis Froger

1940 : Henri Florent Vasseur

1945 : Arthur Paul Grosbois et toujours la même année :

1945 : Albert Auguste Lemeux

1955 : Léon Lemeux

1960 : René Froger

1978 : Gilbert Lecomte

Et enfin, du 1er avril 1993 à octobre 2022, notre dernier et ultime garde champêtre, Philippe Bourderiou

Focus : les nombreuses attributions des gardes champêtres

Attributions judiciaires : Au troisième alinéa des articles : 15 et des articles  21-3, 22 à 24 et 27 du Code de Procédure Pénale (CPP). Recherche et constatation par P.V des délits et contraventions portant atteinte aux propriétés situées dans les communes pour lesquelles ils sont assermentés, possibilité de relever l’identité des personnes à l’encontre desquelles ils entendent dresser procès-verbal, d’accès aux propriétés closes, d’exercice du droit de suite, de séquestre, de requérir directement la force publique, de procéder à certaines investigations, de recueillir les déclarations, de procéder à des arrestations dans les cas de flagrant délit. ( Voir libellé du nouvel article 24 du CPP modifié)

Relevé d’identité : Art L 522-4 du CSI et 78-6 CPP

Police des campagnes (rurale) : Art. L.521-1 du code de la sécurité intérieure (Surveillance, prévention, recherche et constatation des infractions relatives à la police des campagnes)

Police municipale : Art. L.521-1 du code de la sécurité intérieure (Exécute, sous l’autorité du maire, des missions de prévention et de surveillance du bon ordre, de tranquillité, de sécurité et de salubrité publiques. Recherche et constate par P-V, les infractions aux lois et règlements pour lesquelles il est compétent.)

Police de la Forêt : Art L.161-4, L 161-9, L 161-14 à L 161-18 du code forestier (ordonnance portant modification du code forestier N° 2012-92 du 26 janvier 2012)

Police de l’environnement et des ressources naturelles : Art L 172-4 du code l’environnement et L 172-5 à L 172-16 du Code de l’environnement (Ordonnance N° 2012-34 du 11 janvier 2012, portant simplification, réforme et harmonisation des dispositions de police administrative et de police judiciaire du code de l’environnement)

Police de la conservation du patrimoine naturel : Art L 415-1 /3° du code Environnement

Police de la chasse : Article L.428-20/4° du code Environnement

Police de la pêche en eau douce : Article L 437-1/4° du code Environnement

Police de la faune et de la flore sauvage : Article L 415-1/3° du code Environnement

Police des parcs nationaux : Art L 331-20  du code de l’Environnement

Police des réserves naturelles : Art L 332-20 II/4°  du code de l’Environnement

Police des chiens dangereux : Art L 215-3-1 du code rural et de la pêche maritime

Police des baignades et des eaux territoriales : Art L 2213-23 du C.G.C.T

Police du domaine public fluvial et de la navigation intérieure: Article L2132-23 / 2°Code Général de la Propriété des Personnes Publiques

Police de l’eau : Art L 216-3 /6°du code de l’Environnement

Police de la santé publique : Article L 1312-1 du Code de la Santé Publique

Police sanitaire départementale : R.S.D (son contenu) art L 1312-1 CSP

Police des bois et forêts / défense contre l’incendie : article L 161-4 /3°du code forestier

Police de la route : Art L 130-4/2°, R 130-3 et R130-5 du code de la route et art. L.521-1 du code de la sécurité intérieure

Police de la circulation :   Art R 130-10/4° du code de la Route

Épreuves de dépistage :   Art L 521-1 du CSI. Les gardes champêtres  sont habilités à procéder aux épreuves de dépistage mentionnées à l’article L. 234-3 du code de la route, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article L. 234-4 du même code. (Aval de l’OPJ-TC)

Police des chemins ruraux :  Art D 161-14 et suivants et R 161-28 du code Rural

Police de la voirie routière : Art L.116-2/1° de ce code, lequel permet aux gardes champêtres d’intervenir en matière d’infraction portant atteinte à l’intégrité du domaine public routier des voies de toutes catégories, sauf autoroutes.

Police de la circulation des véhicules à moteurs dans les espaces naturels : art L362-5/3° du code de l’Environnement

Compétences douanières : Article 323  du code des Douanes      

Police de l’urbanisme : Article L.480-1 du code de l’Urbanisme

 Police des procédures fiscales : Art L.220 et L.221 du Livre des procédures fiscales (tabac, alcools, alambics et boissons).

 Police de l’ivresse publique : Art L3353-1 du Code de la Santé Publique

 Police funéraire : Art L2213-14 du C.G.CT

 Police des foires et marchés : Art L 2212-2  du C.G.C.T

 Code des assurances : Art R.211-21-5 du code des assurances.

 Police des publicités, enseignes et pré-enseignes  : Art L581-40 du code de l’Environnement

Police du bruit et nuisances sonores : Art L 571-18 du code de l’Environnement

et 1435-7 du CSP

 Police des OGM : Art L 536-1 du code de l’environnement.


Notes

  1. Messier : garde faisant l’office de garde-champêtre. De l’ancien français mes : moisson
  2. « Utilité d’un garde champêtre », Journal abbé Bommer, p 135.

  3. Chiffres du Ministère de L’Intérieur, contestés par la FNGC (Fédération nationale des gardes champêtres) : oublis ou erreurs de déclaration par les communes.


Sources

Guide pratique du garde champêtre, 1863 : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k63713733
https://fr.wikipedia.org/wiki/Garde_champ%C3%AAtre
Fédération nationale des gardes champêtres : https://www.gardechampetre-fngc.fr/
RetroNews : le Berry 21.09.1928
Recensement, AD 41
Registre des arrêtés municipaux, Archives communales de La Ferté-Imbault

Paléographie à la Ferté Imbault

Paléographie, mais que se cache donc derrière ce mot qui semble évoquer des temps lointains ?

Abréviations, hampes ou ligatures, vous avez certainement, comme M. Jourdain qui faisait de la prose sans le savoir, exercé cet art ou plutôt cette science. Qui n’a pas tenté un jour de déchiffrer les pattes de mouche du médecin * ou le gribouillis d’une lettre autrefois envoyée par un arrière-grand-oncle ?

Petite définition

La paléographie ( de paleos = ancien et graphêin = écrire) est l’étude des écritures anciennes et le déchiffrage des documents manuscrits.

Elle doit considérer plusieurs éléments : la calligraphie propre à une époque et à un style personnel, une orthographe fluctuante au cours du temps, mais également compter avec tous les défauts tels que ratures, tâches, encre effacée et autres trous dans les feuillets…

Quel usage ?

À moins d’avoir fait l’École des Chartes **, rares sont ceux qui au quotidien sont amenés à de tels travaux de déchiffrage ! Mais tous ceux qui se sont intéressé à leur histoire familiale et ont entamé des recherches généalogiques se sont confrontés un jour à ces difficultés. État-civil, registres paroissiaux, archives notariales, etc …

Au passage, remercions François 1er dont l’ordonnance dite de Villers-Cotterêts de 1539 imposa le français comme langue unique des documents officiels. Exit le latin, c’est déjà un peu plus facile !

L’écriture manuscrite semble un peu en perte de vitesse aujourd’hui. Les traitements de texte de nos ordinateur, tablette, liseuse et autres ont parfois chassé papier, lettres, stylos et crayons de nos bureaux et secrétaires. Si les textes ainsi produits sont bien plus lisibles et compréhensibles par tous, il y manque peut-être un peu de ce qui en faisait le charme autrefois …

 

 

 

Premier feuillet d’un titre des Hybertaignes, La Ferté-Imbault, et Selles-Saint-Denis, 1613

Lettre du Marquis Alexis Nonant de Pierrecourt, La Ferté-Imbault, 1763

Cahier de l’abbé Jean-Léon Bommer, La Ferté-Imbault , 1850

Cahier du Dr Georges Bouilly, La Ferté-Imbault, 1901


Sources & précisions

* L’art 34 du code de déontologie stipule « qu’une ordonnance doit être écrite de façon lisible afin d’éviter toute méprise sur le nom du médicament, sur les doses, le mode d’administration, la durée du traitement.

Au Québec, on ne plaisante pas avec l’écriture des ordonnances médicales: un généraliste avait été condamné à une amende de 800 euros en 2012, pour avoir rédigé de manière illisible une prescription médicamenteuse ainsi que des notes dans des dossiers médicaux.

https://www.lefigaro.fr/langue-francaise/actu-des-mots/pourquoi-les-medecins-ecrivent-ils-aussi-mal-20220422

** https://www.chartes.psl.eu/fr/enseignements

Documents Archives municipales de La Ferté Imbault, départementales, archives privées.

Tête de veau !

Si des cérémonies, requiem et autres célébrations religieuses honorent la mémoire de Louis XVI, guillotiné le 21 janvier 1793, une toute autre tradition perdure encore aujourd’hui : le Banquet républicain, où l’on déguste une tête de veau pour célébrer la décapitation du roi.

Tête de cochon ou tête de veau ?

Cette tradition remonte à 1794, sur la proposition du pamphlétaire Romeau :

A l’époque, c’est donc tête de cochon, tel que les caricaturistes de l’époque dépeignent le roi, après la fuite de Varennes en 1791 :

 

 

 

 

 

 

 

 

De la tête de cochon à la tête de veau, il n’y a qu’un … plat ! Peut-être mis bien plus tôt à la mode par l’Angleterre pour célébrer celle, décollée, de Charles 1er en 1649. Feu tête de cochon et bonjour tête de veau !

Ainsi, un peu partout en France, des confréries de la Tête de veau, des associations de libres penseurs, etc … se réuniront ce jour autour de ce plat, aimé ou détesté selon les convictions ou les appétits…et plus que célébrer la mort du roi, commémorer la fin de la monarchie absolue…


Retronews La Dépêche du Berry 1938

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k487041.image

https://www.caricaturesetcaricature.com/

La galette !

Dimanche c’est l’Épiphanie ! Ceux qui sont allés au « cathé » se rappelleront que c’est le jour où les Rois mages arrivèrent à Bethléem, chargés de cadeaux pour l’enfant Jésus.

Les autres sont plus convaincus par la galette que l’on partage traditionnellement en famille et entre amis. C’est qu’elle est bien bonne cette galette « quand elle est bien faite, avec du beurre dedans. »

À La Ferté-Imbault, il semble qu’on l’aimait tout particulièrement. D’après Bernard Edeine*, elle est même le sujet « d’un branle fort célèbre en Sologne (La Ferté-Imbault, Gy, Lassay, Souesmes) qui se dansait à la voix ou accompagnement de vielle :

En avant la mé Bernaussiau

Tape du cul, t’auras de la galette,

En avant la mé Bernaussiau,

Tape du cul, t’auras du gatiau.

La tradition, malheureusement (?), n’a retenu que les paroles mais pas la mélodie qui allait avec…

*Bernard Edeine était professeur, archéologue et ethnologue de la Sologne

 

Hiver 1870 : les Prussiens à La Ferté-Imbault

L’année dernière marquait le 150ème anniversaire de la guerre franco-allemande de 1870.

Le 18 juillet 1870, l’empire de Napoléon III déclare la guerre à la Prusse, qui s’allie aux autres États allemands. La défaite des Français sur le front de l’Est, puis la reddition de Napoléon à Sedan le 2 septembre 1870 précipite l’instauration de la IIIème République. Paris  assiégé, le gouvernement de défense nationale de Gambetta, délocalisé à Tours, poursuit la guerre.

Mais revenons sur ces événements, tels qu’ils ont été vécus à La Ferté Imbault…

Les événements par Jean-Léon Bommer

L’abbé Bommer comme nombre de ses contemporains, se retrouve propulsé dans un cruel conflit qui aura des répercussions sur notre village, puisque :

A partir des premiers jours d’août : les jours de deuil commencent pour la France en guerre avec l’Allemagne : nos troupes sont culbutées et refoulées sur les frontières : l’ennemi s’avance, et après la prise de Sedan, vient former le siège de Paris : la république est proclamée : l’armée de la Loire se forme pour la résistance et se concentre sur les champs de Salbris, du 15 septembre aux premiers jours de novembre, sous le commandement en chef du général d’Aurelles de Paladine…

L’armée de la Loire est réorganisée dès le 5 décembre, sous le commandement cette fois du général Bourbaki.

Le 7 décembre au soir, escarmouche entre l’arrière garde française et l’armée ennemie aux approches de Salbris. Le 8, les Allemands poursuivant les fugitifs se dirigent sur Vierzon, Nançay, La chapelle d’Angillon, La Ferté Imbault où ils arrivent, à 2 heures du soir, vont jusque sur les bords du Cher pour revenir dans la nuit, à 11 heures, au nombre de 8 à 900. Ils repartent le lendemain, à midi, pour rejoindre leur quartier général, à Orléans, emmènent avec eux des prisonniers. Leurs avant gardes revinrent plusieurs jours de suite réquisitionner.

Du 20 au 28 une avant garde, 16 dragons, est établie, à La Ferté-Imbault pendant la formation, près Vierzon, du corps de Bourbaki, armée de l’est.

Le 24, 60 francs tireurs niçois, nous arrivent et font séjour. Le 26, une compagnie de volontaires de la Dordogne, capitaine Clergean, nous arrive et séjourne jusqu’au 15 février 1871. Alors une partie suit l’armée de Bourbaki et l’autre partie s’en retourne dans ses foyers. Pendant leur séjour on établit dans la salle du presbytère une ambulance pour les malades on y plaça 7 lits : tout se passa avec beaucoup d’ordre, et, malgré toutes les misères du temps, nous n’eûmes pas trop à souffrir.

1870, année terrible pour la France : invasion : sécheresse extraordinaire, hiver long, dur et rigoureux : maladies graves : grande mortalité : tout pour faire réfléchir des hommes sérieux.

Carte du théâtre de la guerre de 1870

Les événements par Jean Schaeffer

Jean Schaeffer, conseiller municipal dans les années 1980-1990, * transcrit ici une anecdote familiale :

Récemment, de rares civils fugitifs de la région d’Orléans avaient évoqué des combats, ainsi que des répressions féroces de la part de l’ennemi quand il rencontrait une résistance opiniâtre dans certains villages, ou quand ses patrouilles de reconnaissance ou des éléments d’avant-garde étaient tombés dans une embuscade. Maisons et fermes brûlées et leurs habitants abattus sans pitié.

On savait vaguement que l’armée de la Loire , commandée par le général d’Aurelle de Paladines, se repliait en combattant, soutenue parfois par des  » moblots  » (gardes mobiles levés sur le plan local) mal armés, mal encadrés, et peu formés pour une telle guerre, dans le froid et le dénuement matériel.

Depuis deux jours on entendait les canons tonner dans le lointain, au nord-est, vers Lamotte – Beuvron et Nouan le Fuzelier, signe que des combats s’y déroulaient, et qu’ils allaient atteindre Salbris. Ce jour-même il y avait eu quelques échos de ce côté, mais aucune nouvelle précise n’était parvenue à La Ferté-Imbault, qui s’était repliée dans l’attente et dans l’angoisse…

……. le lendemain, les deux représentants de la commune, Louis Deschamps, en sa qualité de maire, et l’abbé Bommer, en sa qualité de curé de la paroisse, se rendraient ensemble, à pied, au-devant des Prussiens.

…L’officier qui commandait la troupe parlait un français qui, pour n’être pas impeccable, n’en facilitait pas moins les premiers échanges.

Comme ils en avaient convenu, l’abbé Bommer parla le premier, décrivant en quelques phrases le village et ses habitants, gens paisibles et plutôt pauvres, et exprima en des termes prudents le souhait qu’il ne fût commis ni violences ni exactions de la part des soldats.

Puis Louis Deschamps se présenta en sa qualité de maire de la commune, et compléta le plaidoyer du curé en assurant à l’officier qu’il n’y avait là nulle force armée régulière. Que ses hommes ne courraient aucun danger, et qu’en conséquence d’user de contraintes à l’égard de la population.

L’officier écourta froidement les deux exposés, puis fit mettre les deux parlementaires en tête du peloton, quelques cavaliers abaissèrent leur lance à frôler leurs épaules, et toute la troupe se remit en marche vers le village.

Et c’est ainsi que les habitants, ahuris et craintifs, virent leur maire et leur curé traverser la place du village sous la menace des lances pointées dans le dos et se rendre au domicile de Louis Deschamps, aux environs duquel le détachement mit pied à terre…

La fin du conflit

Des réquisitions eurent lieu ultérieurement :

Ordre de réquisition de 1870 par M. Deschamps, maire de La Ferté-Imbault (Archives municipales)

La fin de la guerre ne sera pas la fin des jours malheureux pour la France : la victoire des États allemands devenus Empire, la perte de l’Alsace et de la Lorraine, la « Commune » de Paris, etc, inscriront durablement un profond sentiment d’injustice, qui ne demandera qu’à s’épanouir dans d’autres conflits …


Sources :

  • Jean Schaeffer : « Les Prussiens à La Ferté-Imbault », récit d’après les souvenirs de sa grand-mère Jeanne Deschamps, concernant son arrière grand-père Louis Deschamps, notaire puis maire de La Ferté-Imbault de 1870 à 1874.
  • GRAHS
  • Journal de l’Abbé Bommer
  • La guerre franco-allemande dans le Blaisois et la Sologne, E.Lasnier

Journées du Patrimoines 2022

Après 2 années sans manifestation à cause de l’épidémie de COVID 19*, notre association organise de nouveau les Journées Européennes du Patrimoine à La Ferté-Imbault. Ce sera les samedi 17 et dimanche 18 septembre !

Au programme : des visites de la chapelle  Saint-Taurin, de l’église du village et même du cimetière. À travers ces trois lieux, nous vous invitons à (re)découvrir l’histoire de notre village depuis sa création jusqu’à ses plus récentes évolutions. Nous évoquerons les personnages, connus ou plus modestes, qui ont fait La Ferté, nous parlerons des bâtiments et de leurs symboliques, de l’histoire religieuse mais aussi des anciennes industries, des épisodes guerriers, d’anecdotes liées à la « Grande » histoire et de toutes sortes d’événements !

Toutes les informations sont dans l’affiche (un petit récapitulatif est présenté sous cette dernière)


Informations

Visites gratuites organisées par l’Association Les Lanturelus

samedi : 14h30- 18h / Dimanche : 10h -12h, 14h30 – 18h

  • Chapelle Saint Taurin : place du Maréchal D’Estampes (rue des ponts)
  • Église Saint Taurin : place de l’église (rue nationale en face du château)
  • Cimetière communal : route de Saint-Viâtre

* L’épidémie de COVID 19 n’étant pas fini, les masques ne sont pas obligatoires mais fortement conseillés en intérieur.

C’est la rentrée ! À la Ferté !

Nul doute que celui qui a inventé l’école n’avait probablement pas imaginé les difficultés qui ont présidé à la formation de celle que nous connaissons aujourd’hui. Pendant des siècles, le savoir est bien peu partagé, et si dès le moyen-âge des universités renommées voient le jour, il est réservé à une élite essentiellement masculine.

École publique de la Ferté Imbault 1914

Il faudra attendre le XIXème siècle pour que cet état de fait change véritablement, grâce à diverses et nombreuses lois qui ont bouleversé l’enseignement.

L’École est alors un enjeu politique important, entre l’État et l’Église qui se disputent son organisation.

Il faut noter aussi, quand on parle de l’École, qu’il s’agit d’éducation et non pas seulement des bâtiments spécifiques qui lui seront dévolus ultérieurement. On fait alors la classe là où il y a assez d’espace pour installer les élèves (au besoin s’ils sont nombreux, on les entasse ..), au presbytère, à la mairie ou dans le logement particulier du maître. Un mobilier précis ne sera d’ailleurs obligatoire qu’à partir de 1887.

On peut retenir les dates les plus importantes :

– 1833 : La loi Guizot organise les prémices d’une instruction publique pour les écoles primaires de garçons, assurée par les communes, avec l’aide de l’État et de l’Église : la mairie doit fournir un local convenable à l’instituteur ( qui sert très souvent à la fois d’habitation et de lieu d’enseignement) et fixe le montant de son traitement, souvent formé des centimes additionnels *. Elle dispose également que les élèves dont les familles ne pourraient assurer le paiement de l’école soient accueillis gratuitement (le nombre étant fixé par le préfet…)

Peu d’enfants sont scolarisés, surtout à la campagne où on a besoin d’une main d’œuvre abondante et gratuite. L’instruction des filles est elle-même très peu concernée…

– 1850 : Loi Falloux, qui permet aux établissements libres d’obtenir un local et/ou une subvention de la commune, du département, de l’État.

– 1867 : Le ministre Duruy ouvre l’instruction primaire publique aux filles. Les communes de + de 500 habitants peuvent établir la gratuité absolue grâce aux centimes additionnels communaux.

– 1870 : L’arrivée de la IIIème république marque le début de la sécularisation de l’enseignement public.

– 1881/1882 : Jules Ferry révolutionne l’école publique : l’enseignement primaire devient obligatoire, laïc et gratuit pour tous (de 6 à 12 ans).

A La Ferté

La Ferté Imbault, petite commune de Sologne, suit le mouvement. L’école, comme bien d’autres sujets, sera le motif de nombreuses et parfois violentes querelles intestines entre les différents acteurs du village (mairie, curé, châtelain).

– En 1841, s’il y a une école communale, c’est à Selles St Denis, La Ferté Imbault n’étant que section de cette commune.

– 1845 : L’abbé Bommer, desservant à La Ferté Imbault, instruit son supérieur hiérarchique de son désir d’ouvrir une école, en présentant à l’École Normale son poulain, M.Vannier. Les tracasseries administratives mettent fin au projet.

– 1847 : L’abbé instruit quelques enfants et adultes. N’ayant pas de brevet de capacité (obligatoire pour enseigner) il est sommé par la préfecture de cesser son enseignement.

– 1849 : Distance oblige, seuls 8 enfants fertois fréquentent l’école communale de Selles St Denis.

– 1850/1851 : Mary Ann Howarth, épouse Kirby, organise une petite école pour les enfants des domestiques et journaliers travaillant au château.

– 19 août 1850 : ouverture de l’école libre de l’abbé Bommer, installée dans l’une des chambres du presbytère qu’il occupe dans l’île St Taurin (maison du Prieuré) dont son frère François Edouard ** (choisi par la mairie) est l’instituteur diplômé.

La classe est meublée grâce aux dons. Le nombre d’élèves augmente sensiblement : 70 enfants (garçons) et 14 adultes sont inscrits 6 mois plus tard.

L’école libre ne pouvant rémunérer suffisamment son instituteur, le manque de place et la réunion des garçons et filles n’étant pas autorisée, il écrit au recteur d’académie :

Considérant que répandre l’instruction et surtout l’éducation, c’est entrer dans les vues du gouvernement et que, et du reste, nous avons indistinctement tous droit à cet aliment des intelligences. L’instruction qui orne notre esprit et étend ses connaissances : l’éducation qui forme le cœur et redresse ses mauvais penchants.

En raison de ces divers considérants, nous vous prions, Messieurs, de vouloir bien prendre en sérieuse considération notre supplique et reconnaître la nécessité de changer l’école libre de La Ferté Imbault en école communale.

et à son évêque :

C’est dans ce but, que je désire voir reconnaître une école communale dans ma paroisse. Je sais qu’il serait à désirer de voir une école pour les garçons et une autre pour les filles ; mais, comment soutenir deux écoles, quand nous ne pouvons même pas en soutenir une ?

A sa demande, l’école libre est classée publique en 1853 et la réunion des garçons et filles autorisée.

Selon le décret qui fixe le nombre d’enfants admis gratuitement à l’école, une liste de 10 enfants est établie, conjointement avec la municipalité et le curé.

(1863). Choix bien difficile compte tenu de la pauvreté de beaucoup d’habitants …

En 1854, une nouvelle école libre pour jeunes filles dirigée par Eugénie Bommer, cousine de l’abbé et épouse d’Alphonse Sainmont, premier instituteur public au village, est ouverte.

… elle élèvera une école libre dans la commune pour les jeunes filles au grand désir des familles notables des deux paroisses, nous attendons donc beaucoup de bien de cette école ; car si nous sommes déjà témoins du bon résultat de l’école existante, où il y a réunion des deux sexes, nous espérons au moins autant sinon plus de notre école de jeunes filles. L’éducation des jeunes filles ne peut être véritablement formée d’une manière avantageuse et utile que par la femme elle même. Les instituteurs, tout bons soient-ils, n’entendent rien à former le cœur et l’éducation des jeunes filles…

Mais, en 1857 :

Le premier octobre 1857, M. Alphonse Sainmont, instituteur communal et Madame Sainmont, sa femme, institutrice libre, furent nommés dans la commune de Thenay pour en diriger l’école. En conséquence de ce changement, les deux écoles de La Ferté Imbault furent réunies en une école mixte, réunion des deux sexes, et M. Charles Lesourd, élève de l’école normale de Blois, en fut nommé instituteur et prit possession le premier octobre.

1869 : une autre école libre est créée, mobilier et traitement à la charge de l’abbé, installée en 1876 dans une maison du centre du village et bientôt rachetée par le châtelain et futur maire, Auguste Fresson.

Si le curé ne tarit pas d’éloges sur ses deux institutrices religieuses, il n’en est pas de même pour l’institutrice laïque***, accusée en 1876, d’immoralité et de mauvais traitements sur ses élèves :

Caractère mou et indécis, sans zèle pour l’instruction, sans programme, sans méthode, sans emploi du temps : elle n’a rien de constitué l’institutrice. Aussi nos enfants perdent ils leur temps. Autant ils aimaient l’école autrefois ; autant ils la fuient aujourd’hui. Elle les éloigne par son peu d’attrait, par ses punitions intempestives et ridicules : telles que frapper, pincer les oreilles : mettre à la porte de la classe : donner jusqu’à 200 lignes à copier, faire avec la langue une barre sous 4 ou 6 carreaux : moyen de décourager les enfant et de leur faire haïr la classe.

Point de travail manuel dans la classe, elle prétend que c’est perdre le temps : point de politesse, peut-il en être autrement quand la maîtresse, soit bêtise, soit ignorance ne pratique pas elle même les premiers éléments de la civilité française.

Est-ce en faisant lire à nos enfants dans la mythologie : les histoires de Jupiter, Junon, Vénus, Apollon, Mercure et Bacchus, qu’elle formera leur cœur : pauvre fille, elle ne se doute pas de ce que c’est l’éducation d’une jeune fille !

Elle ne dépend dit-elle à ses enfants de personne ni du maire ni du curé, elle ne prend ordre que de son inspecteur. Aussi, nos enfants deviennent de plus en plus indociles, désobéissantes, menteuses, coquettes, car on porte la toilette ; mais, de religion, néant !! De surveillance en dehors de sa classe, point : aussi, dans sa cour, il se passe et se dit des choses que nous ne pouvons pas raconter.

Avec des institutrices laïques, pas de stabilité : pas de garanties morales : des jeunes filles qui viennent faire leur apprentissage pédagogique à nos dépends : en attendant des maris. Réclamez, pauvres paysans, vous voyez le cas que l’on fait de vos observations !

En 1882, l’école devenue obligatoire complique singulièrement la vie des parents et enfants éloignés du bourg :

La Noue commune de La Ferté Imbault

26 septembre 1882

Monsieur le Préfet,

La Noue, où je demeure est 7 kilomètres de La Ferté Imbault, à 7 kilomètres de Marcilly et 7 kilomètres de Selles St Denis.

On me demande que j’envoie à l’école ma petite fille âgée de 7 ans.

Cet enfant ne peut faire 14 kilomètres par jour et je vous prie de m’autoriser à ne pas l’envoyer à l’école tant qu’on n’aura pas fait une école de hameau à la Noue ou à Chardonnières.

Il me semble qu’on ne peut forcer un enfant de 7 ans à faire 14 kilomètres par jour.

J’ai confiance dans votre justice, Monsieur le Préfet, et je suis convaincu que vous m’approuverez.

Agréez, Monsieur le Préfet ….

L.Parfait

1885 : construction d’une école publique au hameau de Chardonnières

Il faudra attendre 1895 pour que la Ferté Imbault commence les travaux du bâtiment de sa future mairie-école qui sera inaugurée en 1898 et dont Gaston Percheron dont elle porte le nom, sera le directeur dans les années 1930. Raymond Bordes, maire du village et conseiller départemental donnera le sien au bâtiment construit ultérieurement.

1903 : Melle Lucie Poissonneau déclare à la mairie « son intention de diriger l’école primaire de jeunes filles et le cours d’adultes » dans un local appartenant à M. de Curel (propriétaire du château de la Place)

Autres lieux « d’enseignements »

D’autres écoles ont vu le jour au village. On trouve aux archives municipales des demandes d’autorisation pour une école privée à l’orphelinat Ste Françoise (Rothère), hébergée provisoirement en 1940 au château de la Fontaine Harlot, dite « maison d’éducation de jeunes délinquants et d’enfants en danger moral »  en 1946 et pour « garçons arriérés » en 1947.

École publique, école libre … chacun d’entre nous a fréquenté l’une ou l’autre de ces institutions.

A tous les élèves de cette nouvelle année scolaire qui commence : Bonne rentrée !

École publique de La Ferté Imbault 1917

* Les coûts de fonctionnement de l’enseignement primaire sont financés principalement par les communes et les ménages, mais également par l’État et les départements et pour un très faible montant par des dons et legs. Ces financements ont largement évolué sur la période 1855-1875 et leur répartition est très différente selon les départements. Il faut en effet bien noter que le financement de l’enseignement primaire dépendait en premier lieu des communes, si celles-ci étaient suffisamment riches elles pouvaient très fortement réduire la participation des parents, inversement si leurs ressources ordinaires étaient insuffisantes elles pouvaient voter trois centimes additionnels aux taxes locales. Si les ressources communales étaient encore insuffisantes les départements pouvaient également voter deux centimes additionnels et en dernier lieu il était fait appel à l’État pour concourir au traitement des enseignants. Ainsi plus la zone géographique est
riche, plus la part des communes est importante et inversement plus la zone est pauvre, plus la part de l’État est importante.

** François Bommer meurt le 18 mars 1851, remplacé par Alphonse Sainmont, qui deviendra ultérieurement instituteur de l’école devenue publique.

*** Le 29 mars 1877, l’institutrice est déplacée et nommée à Mur de Sologne.

Sources : Archives municipales de la Ferté Imbault, classeurs 15,16,16 bis.

Archives diocésaines de Blois

Journal de l’Abbé Bommer

Livre « les 4 Ferté »

https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-03394767/document

François Coillard, célèbre missionnaire protestant  :« Enfance et jeunesse »